Maîtres du Malûf constantinois
Mohamed Tahar REGGANI (dit : Mohamed Tahar FERGANI, né en 1928)
Né à Constantine en 1928, fils de Hammou Fergani. Il s'initie d'abord à la musique orientale égyptienne qu'il découvre à travers le cinéma et s'accompagne, à l'occasion, à la flûte. Mohamed Tahar Fergani intègre la troupe de musique moderne et orientale animée par le musicien Missoum qu'il suit dans ses tournées et séjourne, à ce titre, près d'un an à Alger. Il est pris en charge, à son retour à Constantine, d'abord par Mohamed Derdour, fondateur de l'association " Le levé de l'aurore ", puis par Si Hassouna ALI KHODJA et surtout baba 'Abeid KARA BAGHLI. Ses qualités vocales, ses facultés d'assimilation et ses aptitudes techniques - il maîtrise divers instruments - l'imposent, très vite, sur la scène musicale Constantinoise. On retrouve dès la fin des années quarante et au début des années cinquante, autour de Mohamed Tahar les acteurs les mieux établis du champ musical constantinois - Zouaoui Fergani, M'amar Benrachi, Kaddour Darsouni, Baba 'Abeïd, en particulier -. Il enregistre au début des années cinquante ses premiers disques sous la férule de Mohamed Derdour sous l'enseigne de Déréphone. L'impact de ses disques notamment auprès de la communauté musulmane le fait tenir comme une alternative possible au Magistère exercé par Raymond Leyris.
La période de la guerre conforte paradoxalement la popularité et l'influence de Fergani dont le repli relatif sur une activité artisanale - la broderie - ne limite pas ses participations aux mariages et aux émissions radio. L'indépendance le voix occuper une position hégémonique dans le champ musical, position qu'il établira d'abord au niveau du marché, en créant sa maison de production et en assurant directement la diffusion de ses disques. Il rempli dès cette période une fonction de représentation et participe en décembre 1964 à la première rencontre consacrée à la musique sous l'égide du FLN à EL Riadh (Alger). Par le biais de la radio, de la télévision et des concerts, Mohamed Tahar Fergani entreprends d'élargir son public au plan national. Il organise des tournées à travers le territoire national et introduit dans son répertoire des morceaux de tradition Algéroise, Tlémcenienne et marocaine. Les années soixante le consacreront comme artiste d'envergure nationale et il est, dès lors, associé aux manifestations de représentation de la culture Algérienne à l'étranger. Sur le plan local, l'influence de Fergani marque profondément les jeunes générations et ses enregistrements compensent très largement la disparition des fnadeq et les limites du conservatoire municipal. Un style et un " Système Fergani " se mettent en place : l'imitation et l'allégeance deviennent les modes d'intégration dans le champ musical. Cela se traduit, entre autres, par la montée d'une génération de porteurs de violon au détriment du Luth. Directement ou indirectement, le champ musical Constantinois se structure par rapport à la personnalité et aux influences multiples de Fergani qu'amplifie le virage tôt négocié du disque à la cassette. Fergani prend part à l'ensemble des manifestations - festivals nationaux, internationaux - qui se mettent en place autour de la musique. Figure centrale du professionnalisme en matière culturelle, son emprunte dans la musique demeure jusqu'à lors sans précédent.
Biographie par le Pr. Abdelmadjid Merdaci, extraite de son livre ''Dictionnaire des musiques citadines de Constantine'', éditions du champs libre.