Maîtres du Malûf constantinois
Raymond LEYRIS (1916 - 1961)
Né à Constantine. L'enfant de Céline est accueilli à sa naissance par les Halimi qui l'élèvent et lui assurent une éducation religieuse. Inscrit à l'école publique, son enfance constantinoise est profondément imprégnée par la rémanence de la culture et de la langue arabe qui est encore la langue de référence de la majorité des juifs constantinois. Son entrée en musique et son apprentissage passent par les fnadeq de la médina où dominent alors les figures tuélaires de Abdelkrim Bestandji, Tahar Benkartoussa et 'Abeïd Kara Baghli ou le chant de Omar Chaqleb, la maîtrise d'un Abdelkrim Benelmouffoq ou d'un Maurice Draï au luth.
La formation esthétique de Raymond à l'encontre de celle des musiciens de sa génération, tous rattachés un des degrés divers à un ordre confrérique procéde exclusivement du monde d'el ala. Il dira, à sa maturité, son entière reconnaissance à ces mhal q'il décrira comme des "petits conservatoire de musique".
L'apprentissage de Raymond ne se limite pas à la seule quête et à la maîtrise du répertoire, il comprend aussi et surtout l'intelligence de la culture de groupe, le sens des préséances et des distinctions, l'articulation complexe de l'artiste et du mélomane et enfin la lutte constante pour la captation des consécrations et l'onction de la légitimité. En ce sens, Raymond Leyris, au delà de l'importance des autres déterminations qui auront marqué sa vie, est d'abord un produit achevé d'el ala constantinoise des années trente/quarante. Il se fait connaître dans les mhal, puis à l'occasion des cérémonies de mariage et à la suite de Omar Chaqleb, Mohamed Larbi Benelamri, Nathan Bentarri, il enregistre ses premiers 78 tours en ardoise. Il obtient la pleine reconnaissance de son talent à la fin des années quarante, où il figure parmi les musiciens régulièrement sollicités pour animer les émissions retransmises par la station d'Alger. Raymond Leyris s'entoure d'instrumentistes de qualité exceptionnelle comme 'Abeïd Kara Baghli, Nathan Bentarri, Mohamed Larbi Benelamri ou encore Sylvain Ghrenassia et ABdelhamid Benkartoussa.
Ses concerts publics, comme celui de la fête de la police ou du parti communiste Algérien, l'imposent au-delà du simple cercle d'initiés et la diffusion d'une série de disques en vinyle, édités par la maison Hess el moqnine, en font l'un des représentants consacrés de la musique constantinoise.
Il crée, avec son violoniste Sylvain, une maison d'éditions de disques et refuse en pleine guerre de la libération nationale la possibilité de l'exil.
Il est tué le 22 juin au marché Souq el 'Acer. Les raisons de son assassinat et son éventuel engagement au service d'Israël continuent à faire l'objet de polémiques. Après l'indépendance, sa survie musicale est assurée par le cercle des mélomanes constantinois.
Biographie par le Pr. Abdelmadjid Merdaci, extraite de son livre ''Dictionnaire des musiques citadines de Constantine'', éditions du champs libre.